Le T-35 était un char lourd multi-tourelle soviétique de l’entre-deux-guerres et début de la Seconde Guerre mondiale qui a vu une production et un service limités dans l’Armée rouge. C’était le seul char lourd à cinq tourelles au monde à atteindre le stade de production, mais s’est avéré lent et mécaniquement peu fiable. La plupart des chars T-35 toujours opérationnels au moment de l’opération Barbarossa a été perdue en raison d’une défaillance mécanique plutôt que d’une action ennemie.
Extérieurement, il s’agissait d’un monstre d’environ 10 mètres de long ce qui était hors norme à l’époque (à comparer avec 5,4 m du Somua S35 ou même les 6,3 m du PzKpfw VI Tiger) mais à l’intérieur, les espaces étaient étroits avec les compartiments de combat séparés les uns des autres. Ce qui, en absence de radio rendait presqu’impossible toute communication entre les 10 membres de l’équipage.
Informations de base sur T-35
Caractéristiques techniques de T-35
Equipage: 10 à 12 hommes
- conducteur/technicien
- tourelle proncipale: 3 (chef de char, opérateur radio, tireur)
- tourelles moyennes: 2×2 (chef de tourelle/tireur + chargeur)
- petites tourelles: 2 (chef de tourelle/mitrailleur)
Armement:
- Armement principal: Canon CT-28 de 76,2 mm (96 obus)
- Armement secondaire:
- 2 canons 20k de 45 mm (226 obus)
- 5 – 6 mitrailleuses Degtyarev DT de 7,62 mm (10.000 coups)
Blindage:
- Caisse: avant 50 mm, côtés 50 mm, arrière 30 mm, plafond & plancher 20 mm
- Tourelles: côtés 10-30 mm, plafond 20 mm
Performances:
- Vitesse sur route: 30 km/h
- Vitesse dans le terrain: 14 km/h
- Autonomie: 150 km (80 km dans le terrain)
Le char T-35 dans l’Histoire
Conception et développement du char T-35
Le char lourd T-35 a été développé par le bureau de design OKMO de l’Usine bolchevique, qui a commencé à travailler sur un char lourd en 1930. Deux équipes ont développé des modèles distincts. L’équipe dirigée par l’ingénieur allemand Grotte a travaillé sur le char TG-5 100 tonnes à quatre tourelles, armé d’un canon naval de 107 mm. Ce projet a été annulé plus tard.
Le concept de grands chars à tourelles multiples a été favorisé par plusieurs armées européennes dans les années 1920 et 1930. Des modèles existaient en Grande-Bretagne, en France et en Allemagne pour de tels véhicules. La deuxième équipe d’OKMO, dirigée par N. Tsiets, a travaillé sur un char inspiré du char britannique Vickers A1E1 Independent.
En juillet 1932, un prototype d’un char de 35 tonnes avec un canon de 76,2 mm a été complété. Ce premier prototype a été amélioré avec quatre petites tourelles, deux avec des canons de 37 mm et deux avec des mitrailleuses. Ce premier prototype avait de graves défauts dans sa transmission et était considéré comme trop complexe et coûteux pour la production de masse. Le travail sur celui-ci a donc été arrêté et un nouveau prototype plus simple a été construit.
Ce nouveau prototype a reçu un nouveau moteur, une nouvelle boîte de vitesses et une transmission améliorée. La décision a également été prise de normaliser les tourelles utilisées sur le T-35 avec celles utilisées sur le char moyen T-28 (doté de 3 tourelles). Les petites tourelles à mitraillettes étaient identiques sur les deux chars. La grande tourelle principale qui abritait le canon de 76,2 mm était presque identique (celles utilisées sur le T-28 possédaient une mitrailleuse supplémentaire tirant vers l’arrière).
Le 11 août 1933, le T-35 a été accepté pour la production. La fabrication a été déplacée vers l’Usine de locomotives de Kharkov, et deux lots de dix chars T-35 ont été achevés.
Les expériences acquises avec les deux prototypes ont été utilisées pour la production principale T-35 Modèle 1934, qui a de nouveau été améliorée à partir du deuxième prototype, avec un châssis plus long, une coque améliorée et des canons de 45 mm à la place de ceux de calibre de 37 mm utilisés initialement. La production a commencé en 1935 et environ 35 exemplaires ont été construits jusqu’à 1938. En général, tout au long de sa production, de petites améliorations ont été apportées aux chars individuels. Les chars de production avaient des tourelles similaires à celles du BT-5, mais sans le surplomb arrière. Quelques exemplaires avaient des lance-flammes au lieu d’un des canons de 45 mm. Le lot final était une série de six T-35 Modèle 1938, qui avaient de nouvelles tourelles avec des armatures inclinées tout autour, ainsi que des jupes latérales modifiées et de nouvelles roues.
Char T-35: comparaison entre modèle 34 (en haut) et modèle 38 (en bas)
Les historiens occidentaux et russes ne sont pas d’accord sur l’origine de la conception du char lourd T-35. Les premiers soutiennent qu’il a été inspiré par le tank britannique Vickers A1E1 Independent, mais cela est rejeté par de nombreux spécialistes russes. Il est impossible de connaître la vérité, mais il existe de fortes preuves pour étayer les allégations occidentales, notamment les tentatives soviétiques échouées d’acheter l’A1E1. En même temps, l’influence des ingénieurs allemands, qui, à la fin des années 1920, ont développé des modèles similaires à leur base de Kama en Union soviétique, ne peuvent être écartés. Ce qui est clair, c’est que l’emprunt de la technologie militaire et des idées d’autres nations était commun à la majorité des forces armées dans les années entre les deux guerres. L’Armée rouge, avec l’achat du char britannique Vickers Carden Loyd, des chars moyens Vickers E-Light et Cruiser Mk II et de la suspension Christie américaine pour une utilisation de production dans ses propres véhicules, était clairement l’un des principaux exemples de cette pratique.
En raison de son coût élevé, la production du T-35 s’est terminée à seulement 61 chars.
Histoire opérationnelle
Le char T-35 a servi avec la 5e Brigade de chars lourds à Moscou, principalement pour les participations aux défilés (de 1935 à 1940). En juin 1940, la question s’est posée s’il fallait retirer les T-35 du service de première ligne, avec la possibilité de soit les convertir en artilleries automotrices, soit les assigner aux diverses académies militaires. Finalement, le choix a été fait pour les utiliser au combat et les véhicules survivants ont été rassemblés dans les 67e et 68e régiments des chars de la 34e division blindée, qui a servi au sein du 8e corps mécanisé dans le district militaire spécial de Kiev en Ukraine.
Au cours de l’opération Barbarossa, quatre-vingt-dix pour cent des T-35 perdus par les 67e et 68e régiments de chars l’ont été non pas par des actions ennemies, mais par une défaillance mécanique ou parce qu’ils ont été abandonnés et détruits par leurs équipages. Les causes de pannes les plus fréquentes étaient liées à la transmission. La dernière action de combat enregistrée du T-35 a eu lieu au début de la bataille de Moscou (fin 1941). Au moins un char T-35 capturé a été expédié en Allemagne pour évaluation au stade militaire Kummersdorf.
Le T-35 est parfois cité comme ayant participé à la guerre d’hiver contre la Finlande, mais selon les sources soviétiques, ce n’était pas le cas. En fait, deux autres prototypes de chars lourds à tourelles multiples ont été envoyés au front pour des tests: le T-100 et le SMK. Le char lourd KV-1 (avec tourelle unique) a également participé au même test lors de la bataille de Summa. Le char SMK a été neutralisé par une mine terrestre finlandaise et toutes les tentatives de récupération de ce géant de 55 tonnes ont échoué. Les photographies finlandaises de ce char précédemment inconnu ont été désignées, de manière erronée, comme T-35C par le renseignement allemand.
La valeur au combat du char T-35 était pauvre à bien des égards. L’armement impressionnant et la possibilité de « tirer de tous les côtés » avaient comme prix à payer une terrible manœuvrabilité, une grande lenteur (14 km/h dans le terrain et 30 km/h sur route) et un taux de pannes extrême. Son blindage était insuffisant (max. 30-50 mm) ce qui était, avec sa lenteur et sa grande silhouette, un grand problème.
Son grand poids avait deux fâcheuses conséquences – une consommation excessive de carburant et le fait que, en cas d’un T-35 embourbé, seul un autre T-35 pouvait être utilisé pour la récupération. Ce qui arrivait c’est que le moteur du T-35 « de secours » tombait en panne vu sa sollicitation nécessaire à faire bouger plus de 90 tonnes que représentaient les deux T-35. Résultat, deux chars lourds immobilisés et inutilisables…
Souvent, les chars T-35 immobilisés bloquaient les déplacements de colonnes entières de l’Armée rouge ce qui les rendait de plus en plus impopulaires. Plus tard, les tankistes et les ingénieurs exaspérés finissaient par démonter les deux tourelles arrière pour diminuer le poids du T-35 et le rendre ainsi un peu plus utilisable.
Un autre point négatif non négligeable: le char avait besoin d’un équipage d’au moins 9 hommes pour être tout à fait opérationnel. Cela représentait le double ou le triple d’hommes comparé à d’autres chars de l’époque.
Le char lourd T-35 est un exemple parfait de l’incompétence du haut commandement soviétique de l’époque qui se basait sur l’apparence imposante du char plutôt que sur son utilisabilité réelle.
N’empêche que ce char mérite sa place dans l’Histoire des blindés vu son « originalité » et le fait qu’il représente l’apogée d’un « cul de sac » dans la conception de chars – les chars multi-tourelles.
Les chars T-35 « survivants »
Un exemplaire du char T-35 est conservé en état de marche au Kubinka Tank Museum près de Moscou. Il a survécu à la Seconde Guerre mondiale parce que c’était l’une des quatre machines T-35 qui ont été utilisées dans des centres de formation loin du front. La collection du Kubinka comprend également un prototype SU-14, un canon automoteur basé sur le châssis du char T-35.
En janvier 2016, la société métallurgique russe Ural Mining and Metallurgical Company (UMMC) a annoncé la récréation d’une réplique complète du char T-35 utilisant des dessins soviétiques. La réplique T-35 est complète à tous égards, sauf qu’elle n’a pas de moteur ni de transmission. Le char doit être placé dans le Musée des équipements militaires de l’UMMC.
Livres, publications & ressources concernant T-35
Les versions du char lourd T-35
- T-35-1: premier prototype (1 exemplaire)
- T-35-2: second prototype (1 exemplaire)
- T-35A modèle 34: version de série (56 exemplaires)
- T-35A modèle 38: version avec tourelles semi-coniques (5 exemplaires)
- T-35B: prototype avec un moteur plus puissant (1 exemplaire)
Images de T-35
Des vidéos du char T-35
Chars similaires au T-35
- Char 2C
- Neubaufahrzeug
- T-28
- Vickers A1E1 Independent
- Medium Mark III
T-35 en maquette – comparaison d’échelles
Échelle | Longueur | Largeur | Hauteur |
1/35 | 27,77 cm | 9,14 cm | 9,80 cm |
1/48 | 20,25 cm | 6,67 cm | 7,15 cm |
1/72 | 13,50 cm | 4,44 cm | 4,76 cm |